Situé à environ 3 Km du chef-lieu de Kaback au sud de la capitale guinéenne, Bossimiyah fait partie des districts de la commune rurale de Kaback impacté par les effets du changement climatique. La digue de ceinture de 8 km installée pour freiner la montée des eaux a cédé depuis plus d’une décennie. Conséquences : les plaines rizicoles détruites et englouties par les eaux de mer. Les habitants se disent impactés et affichent leur inquiétude face aux différents enjeux climatiques. En marge du voyage de presse initié par CFI Medias dans le cadre du projet Afri’Kibaaru 2, nous avons fait le constat et donné la parole aux citoyens qui ne cessent d’exprimer leur regret face aux séquelles causées par les effets du changement climatique dans la localité.
Reportage :
En cette après-midi du mercredi 23 mai 2025, c’est la marée basse à Bossimiyah, l’un des 8 districts de la sous-préfecture de Kaback relevant de la Préfecture de Forécariah au Nord de Conakry. Il est 16 heures, difficile de voir la digue de protection installée pour la première fois dans les années 70 pour freiner la montée des eaux de mer vers les localités riveraines de la Sous-préfecture. Elle est submergée par les eaux de mer. Les plaines rizicoles situées aux pieds de la mangrove composée d’espèces avicennia marina ne sont plus cultivables. Ibrahima Kobolé Camara, habitant de la localité, déplore la destruction de ces plaines. « Depuis que cette digue a cédé, les choses deviennent compliquées pour nous. L’endroit que nous visitons là était une plaine très productive. On y cultivait du riz et quand les étrangers venaient nous rendre visite, on les accueillait avec des pots de riz. Mais de nos jours, cet acte est difficile voir impossible pour nous. Même nos différentes familles peinent à s’installer dans la localité. Pour avoir de quoi manger, on est obligé de pratiquer la pêche artisanale avec les filets » , explique-t-il avant de mettre un accent sur d’autres conséquences liées à la montée des eaux et l’érosion côtière dans cette ville. « Nous sommes confrontés aussi à des inondations. L’eau vient jusqu’au centre-ville de Bossimiyah avec à la clé des dégâts matériels. Mais pas de perte en vie humaine pour le moment. Outre le problème d’eau potable se pose et persiste. Car la montée des eaux a provoqué la salinisation, des eaux de puits », a-t-il ajouté.
Près de lui, Moussa soumah, un autre citoyen de la localité fait parvenir son amertume : « On vivait de l’agriculture, mais si nos plaines sont gâtées, nous n’avons pas grand-chose à faire. Cela fait 16 ans que la digue a cédé. Quand le niveau d’eau monte, on subit. Ce sont nos frères et sœurs partis en aventure ailleurs qui nous viennent en aide pour la nourriture. Nos femmes aussi constituent un grand soutien. Notre principale activité aujourd’hui, c’est la pêche, mais elle est impactée par les travaux de dragage au nouveau port de Morebaya ».

Ici à Bossimiya, aucune trace de culture visible sur la Plaine rizicole en bordure de mer. La mangrove côtoie avec des déchets rejetés par l’océan.
Professeur Kandet Bangoura, océanographe ayant fait le tour de la bordure, dresse sa remarque : « C’est un constat extrêmement amer. Puisque j’ai évolué ici entre 2011 et 2016. Mais bien avant cela, je connaissais bien cette localité, quand il y avait la digue de protection qui faisait la fierté de cette communauté, et même de la Guinée. Parce qu’on cultivait de grandes quantités de riz qui servaient non seulement Kaback, mais en bonne partie Conakry » s’est exprimé l’enseignant-chercheur.
Selon les habitants, la digue a cédé depuis plus d’une décennie, mais le Professeur Kandet Bangoura tente de remonter le temps. « D’abord au moment où on implantait la première fois la digue, c’était entre 1975 et 1977, fruit de la coopération Guinéo-chinoise. Celle-ci a vécu 5 ans. Après il y a eu quelques brèches, le projet a continué la restauration de ces brèches. C’est quand le partenaire chinois est parti, une autre société française du nom de RAZEL est arrivée en 1996. Cette dernière a implanté une nouvelle digue de protection avec les containers métalliques. On mettait du sable et de la vase. Ces containers se sont érodés et ont continué à faire des brèches. À l’arrivée de l’ex Président de la République Pr Alpha Condé en 2016, il ya une autre société qui a voulu reprendre la restauration de la digue qui n’a toujours pas aboutie. Et c’est les reliques que vous voyez avec l’implantation des troncs de palmiers alignés tout au long de la côte » explique le Directeur de recherche Pr Kandet Bangoura.

Les scientifiques évoquent les effets des changements climatiques
Selon le Pr Kandet, les causes de ces phénomènes sont dues aux changements climatiques. « Vous avez entendu parler du réchauffement climatique qui est dû à l’émission excessive des gaz à effet de serre. Ces gaz sont résumés en concentration du dioxyde de carbone. Il y a d’autres gaz à effet de serre qui sont inclus en concentration C02. L’homme consomme grandement le carburant fossile. Il y a les incendies forestiers, la coupe abusive des bois et mangroves. Dans nos foyers, les femmes cuisinent avec du bois ou du charbon de bois. Tous ceux là concourent à l’émission des gaz à effet de serre. Mais aussi avec le transport des véhicules qui consomment le carburant fossile. Ces gaz sont émis dans l’air et ça réchauffe le climat et ça réchauffe l’atmosphère de telle sorte que quand ça s’élève, la concentration est dépassée au niveau de l’atmosphère puis que ça se réchauffe au niveau des calottes glacières. C’est-à-dire au pôle nord ou au pôle Sud. Cette glace qui retient l’eau se transforme en eau et petit à petit augmente le volume du niveau de la mer », précise t-il avant d’étayer avec les données. « Et chaque année avec les scientifiques, des statistiques montrent que l’océan monte de 3,3 millimètres. Si vous voyez que ce chiffre c’est peu mais au niveau des phénomènes physiques, ça entraîne les ouragans, tempêtes violentes qui renforcent les vagues, les houles et s’abattent sur nos côtes, on retient le retrait des matériaux des habitations. Ça crée une forme d’érosion que nous voyons sur la zone côtière ».
Au Dr Abdoulaye Fall Enseignant-chercheur à l’université de Thiès au Sénégal de rencherir : « Le Groupe intergouvernemental des experts sur le l’évolution du climat GIEC montre avec des études étayées que l’augmentation de la température est du fait de la concentration des gaz à effets de serre dans l’atmosphère. Les gaz à effet de serre, c’est nous à travers notre façon de produire, de consommer surtout avec l’utilisation des énergies fossiles que sont le pétrole et le gaz. Après il faudra situer les responsabilités de l’homme pour pouvoir remédier » renchérit-il.

Des solutions proposées
Selon le Professeur Kandet, il ne s’agit pas de déplacer les communautés mais plutôt de restaurer la digue. « Mais cette fois-ci avec des solutions en dur. On envoie des blocs de granite que nous avons assez chez nous pour pouvoir restaurer et rénover cette digue de protection. Là où il y a des habitations, c’est là-bas qu’il y a des problèmes. Même si c’est pour leur bien, il faut donner des explications aux populations pour les faire déplacer. Pendant les marées d’équinoxe, les grandes marées de juin et de septembre toutes ces habitations sont traversées par l’eau de mer, les vagues. Les habitants sont obligés chaque fois de quitter et se rabattre sur des périmètres rizicoles ensablés » a-t-il proposé.
De son côté, le Dr Abdoulaye Fall, consultant environnementaliste, estime que c’est un phénomène global observable dans toutes les villes côtières. « c’est un phénomène qu’on appelle érosion côtière qui du fait de la montée des eaux, mais également, de la dilatation de l’eau. C’est un phénomène qui va continuer à s’accentuer parce qu’aujourd’hui il y a le changement climatique qui entraîne la fonte des glaciers. Cette fonte entraîne la montée du niveau de la mer. Il s’agira aujourd’hui de voir comment faire face de façon particulière ».
Cet enseignant-chercheur à l’université de Thiès à Dakar propose une autre solution. « Moi je pense aujourd’hui qu’il est difficile de lutter contre la mer. Il faut aller vers les solutions ponctuelles. Je pense que par rapport à ce phénomène, la solution durable c’est de voir comment amener ceux qui sont là, c’est à dire les impactés à tout simplement se reconvertir vers d’autres choses. Aller vers des terres fermes. Je pense que c’est des actions qu’il faut faire plutôt que d’aller vers le rafistolage. Vous même vous voyez, on ne peux pas appeler ce que nous voyons là de digue ».
Les communautés prennent leur destin en main
Interrogé au téléphone, le Président de la délégation spéciale de la commune rurale n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude face à la montée des eaux. M. Touré affirme avoir remonté les informations relatives à cette situation aux autorités du pays.

En attendant une solution définitive à ces phénomènes d’érosion côtière et d’élévation du niveau de la mer, les citoyens surtout les jeunes s’adaptent et mettent des sacs de graviers afin d’atténuer les flux. « On a commencé à mettre ces sacs de graviers depuis l’année dernière 2024. A chaque fois que nous observons au niveau de la mangrove, la brèche sur cette artère qui mène vers la ville, on dépose ces sacs. Cela nous aide un peu. Mais nous demandons une aide à l’Etat afin de nous aider à restaurer notre digue », a lancé Moussa, citoyen de Bossimiyah.

Mohamed Slem CAMARA
Pour Kankan24 et Batè FM Kankan
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